Fréquemment insérée dans les baux commerciaux, la "clause d'agrément" est une stipulation qui subordonne la cession du droit au bail à l'autorisation expresse du bailleur. Elle a pour but légitime de permettre au propriétaire de contrôler la "moralité, la compétence et la solvabilité de l'acquéreur" (Cass. 3e civ., 14 fév. 1982). Cependant, ce droit de regard n'est pas un pouvoir discrétionnaire. La jurisprudence a fermement encadré son exercice, sanctionnant tout refus qui ne serait pas fondé sur un motif légitime.
Le point fondamental, consacré par une jurisprudence constante, est que le refus d'agrément du bailleur "ne peut pas être discrétionnaire". Il doit être justifié par des raisons sérieuses et objectives liées à la personne du cessionnaire ou aux conditions de la cession.
La Cour de cassation a jugé à plusieurs reprises que "le refus d'agrément n'est pas discrétionnaire et doit revêtir un caractère légitime, ce qui n'est pas le cas si ce refus n'est pas motivé" (Cass. 3e civ., 15 juin 2011, n° 10-16.233 ; Cass. 3e civ., 9 mai 2019, n° 18-14.540). Un refus opposé sans aucune justification est donc, par nature, considéré comme abusif.
La jurisprudence permet de dessiner une ligne de partage claire entre les motifs recevables et ceux considérés comme abusifs.
Les tribunaux ont systématiquement rejeté les refus fondés sur des considérations étrangères à la personne du cessionnaire ou à la garantie du bail. Par exemple, ne constitue pas un motif légitime :
Le bailleur peut légitimement refuser son agrément s'il peut prouver que le cessionnaire présente un risque pour la bonne exécution du bail, notamment en raison de :
La charge de la preuve de la légitimité de son refus pèse sur le bailleur.
Face à un refus qu'il estime injustifié, le locataire n'est pas démuni. Il dispose de deux actions judiciaires principales.
C'est le recours le plus direct. Le locataire peut demander au tribunal de l'autoriser à conclure la cession malgré le refus du bailleur. Les juges, s'ils constatent le caractère abusif du refus, "peuvent autoriser le locataire cédant à passer outre au refus du bailleur qui ne reposerait pas sur un motif légitime" (Cass. com., 28 fév. 1956 ; Cass. com., 4 janv. 1994).
Il est crucial de noter que cette autorisation judiciaire est strictement personnelle. Elle ne vaut que pour le cessionnaire précisément identifié dans la procédure et ne peut être étendue à une autre personne, comme une société que le cessionnaire créerait ultérieurement.
Si le refus abusif du bailleur a fait échouer la vente et a causé un préjudice au locataire, ce dernier peut engager la responsabilité du bailleur pour obtenir des dommages-intérêts. La Cour de cassation a confirmé que le bailleur "a ainsi engagé sa responsabilité, ouvrant droit au profit du preneur à des dommages et intérêts" lorsqu'il oppose un refus non motivé qui fait capoter la cession (Cass. 3e civ., 15 juin 2011, n° 10-16.233).
Le temps est un facteur critique. Un refus, même abusif, peut faire fuir votre acquéreur. Il est essentiel d'agir rapidement pour faire valoir vos droits.
➡️ Demandez une analyse de la situationSituation | Droit du Bailleur | Recours du Locataire | Jurisprudence Clé |
---|---|---|---|
Clause d'agrément dans le bail | Droit de refuser pour un motif légitime (solvabilité, compétence...). | Saisir le juge en cas de refus abusif. | Cass. 3e civ., 2 oct. 2002 |
Refus non motivé | Abusif. | Autorisation judiciaire de "passer outre" ET/OU dommages-intérêts. | Cass. 3e civ., 15 juin 2011 |
Refus motivé par des raisons financières (obtenir un meilleur loyer) | Illégitime. | Autorisation judiciaire de "passer outre" ET/OU dommages-intérêts. | - |
Face à un refus, la première étape est d'exiger une motivation écrite et précise de la part de votre bailleur. Cette réponse constituera la base de votre stratégie de contestation.
➡️ Prendre un rendez-vous pour une consultation