La réception d'un commandement de payer visant la clause résolutoire place le locataire commercial dans une situation d'extrême urgence. Cependant, l'expiration du délai d'un mois mentionné dans l'acte n'est pas nécessairement fatale. L'article L. 145-41, alinéa 2 du Code de commerce ménage une voie de recours judiciaire permettant au locataire de solliciter des délais de paiement et de suspendre les effets de la clause. Cette faculté, encadrée par une jurisprudence rigoureuse, constitue une protection essentielle, à condition d'être mise en œuvre correctement.

Le Moment de la Demande : une Fenêtre d'Action Élargie

Contrairement à une idée reçue, la demande de délais n'est pas enfermée dans le délai d'un mois du commandement. La jurisprudence est constante sur ce point.

La "demande de délais et de suspension de la clause résolutoire peut être formée même après l'expiration du délai d'un mois à compter du commandement" (Cass. 3e civ., 26 nov. 1997, n° 97-11.458 ; Cass. 3e civ., 7 janv. 1998, n° 96-10.428).

La seule limite temporelle est que la demande doit être présentée "avant que la résiliation n'ait été constatée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée" (Cass. 3e civ., 5 oct. 1994, n° 92-15.714).

Cette possibilité d'agir en justice tant qu'une décision définitive n'est pas intervenue offre une marge de manœuvre cruciale au locataire.

Les Conditions Impératives pour l'Octroi de Délais

1. Une Demande Expérimentée et Non d'Office

Le juge ne peut suppléer la carence du locataire. Il est de principe que "les juges ne peuvent d'office accorder des délais suspendant l'application de la clause résolutoire" ; ils doivent être saisis d'une demande formelle du preneur (Cass. com., 17 juill. 1967, n° 66-11.509 ; Cass. 3e civ., 18 mai 2010, n° 09-66.848). Un locataire qui se contente de contester la dette sans formuler subsidiairement une demande de délais prend un risque considérable.

2. La Nécessité de Solliciter des Délais "Rétroactifs"

C'est une subtilité procédurale vitale. Si un locataire paie sa dette en cours de procédure, mais après l'expiration du délai d'un mois, la clause est techniquement acquise. Pour neutraliser cet effet, "il appartient en conséquence au locataire de bonne foi [...] de penser à solliciter des délais dits « rétroactifs »". Cette pratique, validée par la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 18 mai 2010, n° 09-13.785), consiste à demander au juge d'accorder des délais qui couvrent la période de retard, validant ainsi a posteriori la régularisation tardive.

3. Une Portée Applicable à Tout Manquement

Le pouvoir du juge n'est pas limité au seul défaut de paiement des loyers. La Cour de cassation a jugé qu'il "a le pouvoir d'accorder des délais quel que soit le manquement du locataire à ses obligations, y compris s'il s'agit d'une obligation de faire". Cette faculté s'étend par exemple à un défaut de paiement des charges (Cass. 3e civ., 15 janv. 1992, n° 90-16.059), à une utilisation non conforme des locaux (Cass. 3e civ., 15 janv. 1992, n° 90-16.625), et même à un manquement qui ne peut être régularisé comme l'omission de faire concourir le bailleur à un acte de sous-location (Cass. 3e civ., 27 oct. 1993, n° 91-19.563).

Les Effets de la Décision du Juge et les Risques du Non-Respect

Effet Suspensif : Si le juge accorde des délais, "ces délais suspendent la réalisation et les effets de la clause résolutoire". Si le locataire se libère dans les conditions fixées, la clause "ne joue pas".

Durée des Délais : Conformément à l'article 1343-5 du Code civil, le juge peut accorder des délais dans la limite de deux années.

Sanction du Non-Respect : Le respect de l'échéancier judiciaire est absolu. Si une seule échéance n'est pas respectée, la clause résolutoire redevient immédiatement et définitivement acquise (Cass. com., 12 mai 1992, n° 90-17.755 ; Cass. 3e civ., 8 avr. 1999, n° 97-16.333). La Cour de cassation a récemment jugé que cette acquisition est automatique, même en cas de mauvaise foi du bailleur à s'en prévaloir (Cass. 3e civ., 26 oct. 2023, n° 22-16.216).

Face à un commandement de payer, la demande de délais est un réflexe de survie.

Oublier de solliciter des délais, même si la dette a été payée en cours de procédure, est une erreur stratégique qui peut coûter votre bail. C'est une démarche technique qui doit être systématiquement envisagée.