La "clause de garantie solidaire" est une stipulation contractuelle quasi systématique dans les baux commerciaux. Par cette clause, le locataire (le cédant) s'engage, en cas de cession de son bail, à garantir solidairement le paiement des loyers et l'exécution des obligations du bail par son successeur (le cessionnaire). Bien que la jurisprudence ait clarifié que la responsabilité solidaire du cédant "ne peut jouer que si elle est conventionnellement prévue" (Cass. 3e civ., 12 juill. 1988, n° 86-15.759), le risque pour le cédant était considérable, car cette garantie pouvait s'étendre sur de très longues durées.
Face à ce risque jugé excessif, la loi Pinel du 18 juin 2014 est intervenue pour protéger le locataire cédant. Elle a créé le nouvel article L. 145-16-2 du Code de commerce, qui dispose que le bailleur "ne peut invoquer la clause [de garantie solidaire] que durant un délai de trois ans à compter de la cession du bail".
Cette limitation à 3 ans est une avancée majeure. Auparavant, la garantie pouvait courir jusqu'à la fin du bail, voire au-delà en cas de tacite prolongation, exposant le cédant à un risque financier quasi indéfini. La loi a donc mis un terme à cette situation pour les baux concernés.
La question s'est posée de savoir si les parties pouvaient déroger à cette nouvelle règle. La Cour de cassation y a répondu de manière cinglante : la limitation de la garantie à 3 ans est une disposition d'ordre public. Les parties ne peuvent donc pas y renoncer par une clause contraire dans le bail.
Dans un arrêt du 11 avril 2019 (n° 18-16.121), la Haute juridiction a jugé que cette disposition était d'ordre public et qu'il n'était pas possible de l'écarter, confirmant ainsi le caractère impératif de la protection voulue par le législateur.
Le point crucial pour les praticiens est le champ d'application de cette nouvelle règle. La Cour de cassation, dans le même arrêt du 11 avril 2019, a jugé que cette disposition d'ordre public ne répondait pas à un "motif impérieux d'intérêt général justifiant son application immédiate" aux contrats en cours.
La conséquence est la suivante :
La loi Pinel a ajouté une seconde protection pour le cédant. Le nouvel article L. 145-16-1 du Code de commerce oblige le bailleur à "informer le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée". Cette information permet au cédant d'être averti rapidement des difficultés de son successeur et de prendre les mesures nécessaires, au lieu de découvrir une dette accumulée sur plusieurs mois.
Aspect de la Garantie Solidaire | Régime des Baux conclus AVANT le 20/06/2014 | Régime des Baux conclus ou renouvelés APRÈS le 20/06/2014 |
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Durée de la Garantie | Fixée par le contrat (souvent jusqu'à la fin du bail). | Limitée à 3 ans à compter de la cession. |
Fondement Légal | Liberté contractuelle. | Art. L. 145-16-2 C. com. (ordre public). |
Obligation d'information du bailleur | Aucune. | Oui, dans le mois de l'impayé (Art. L. 145-16-1 C. com.). |
Le régime de votre garantie solidaire dépend entièrement de la date de signature ou de renouvellement de votre bail. Cette distinction a des conséquences financières considérables. Assurez-vous de connaître précisément l'étendue et la durée de votre engagement.
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