Face à ce risque jugé excessif, la loi Pinel du 18 juin 2014 est intervenue pour protéger le locataire cédant. Elle a créé le nouvel article L. 145-16-2 du Code de commerce, qui dispose que le bailleur "ne peut invoquer la clause [de garantie solidaire] que durant un délai de trois ans à compter de la cession du bail".
Cette limitation à 3 ans est une avancée majeure. Auparavant, la garantie pouvait courir jusqu'à la fin du bail, voire au-delà en cas de tacite prolongation, exposant le cédant à un risque financier quasi indéfini. La loi a donc mis un terme à cette situation pour les baux concernés.
La question s'est posée de savoir si les parties pouvaient déroger à cette nouvelle règle. La Cour de cassation y a répondu de manière cinglante : la limitation de la garantie à 3 ans est une disposition d'ordre public. Les parties ne peuvent donc pas y renoncer par une clause contraire dans le bail.
Dans un arrêt du 11 avril 2019 (n° 18-16.121), la Haute juridiction a jugé que cette disposition était d'ordre public et qu'il n'était pas possible de l'écarter, confirmant ainsi le caractère impératif de la protection voulue par le législateur.
Le point crucial pour les praticiens est le champ d'application de cette nouvelle règle. La Cour de cassation, dans le même arrêt du 11 avril 2019, a jugé que cette disposition d'ordre public ne répondait pas à un "motif impérieux d'intérêt général justifiant son application immédiate" aux contrats en cours.
La conséquence est la suivante :
La loi Pinel a ajouté une seconde protection pour le cédant. Le nouvel article L. 145-16-1 du Code de commerce oblige le bailleur à "informer le cédant de tout défaut de paiement du locataire dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle la somme aurait dû être acquittée". Cette information permet au cédant d'être averti rapidement des difficultés de son successeur et de prendre les mesures nécessaires, au lieu de découvrir une dette accumulée sur plusieurs mois.
Aspect de la Garantie Solidaire | Régime des Baux conclus AVANT le 20/06/2014 | Régime des Baux conclus ou renouvelés APRÈS le 20/06/2014 |
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Durée de la Garantie | Fixée par le contrat (souvent jusqu'à la fin du bail). | Limitée à 3 ans à compter de la cession. |
Fondement Légal | Liberté contractuelle. | Art. L. 145-16-2 C. com. (ordre public). |
Obligation d'information du bailleur | Aucune. | Oui, dans le mois de l'impayé (Art. L. 145-16-1 C. com.). |
Après une longue carrière, le droit au bail commercial représente souvent le principal capital d'un commerçant pour sa retraite. C'est l'histoire de Mohamed, qui, prêt à jouir d'un repos mérité, s'est heurté au mur de son bailleur qui refusait la cession. Son histoire est l'illustration parfaite qu'un droit, pour être effectif, doit être activé par une procédure rigoureuse.
Mohamed avait trouvé un successeur fiable, prêt à reprendre son local pour y installer une nouvelle activité. Le prix de cession de son droit au bail devait financer une partie de sa retraite. Mais son bailleur s'est opposé à l'opération, sans motif clair. Mohamed était dans une impasse : sans cette cession, pas de retraite sereine.
Face à cette situation, nous avons immédiatement écarté la négociation informelle pour enclencher la procédure spécifique, et très protectrice, prévue par la loi pour le locataire partant à la retraite.
La première étape, et la plus cruciale, a été de "signifier par acte extrajudiciaire au bailleur [...] son intention de céder le bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé", comme l'exige l'article L. 145-51 du Code de commerce. Cet acte formel n'est pas une simple information ; il met officiellement le bailleur en demeure de prendre position dans un cadre légal très strict.
Une fois la notification délivrée, le bailleur ne peut plus s'opposer de manière discrétionnaire. La loi lui offre deux options, à exercer dans un délai de forclusion de deux mois :
Le point le plus puissant de l'article L. 145-51 est sa conclusion : à défaut d'avoir exercé son droit de rachat ou d'avoir saisi le tribunal dans le délai de deux mois, "l'accord du bailleur est réputé acquis".
De plus, un refus non fondé sur le seul critère de l'incompatibilité est abusif. La jurisprudence a lourdement sanctionné un bailleur qui s'était opposé sans raison valable, le condamnant à des dommages-intérêts pour avoir fait perdre au locataire son opportunité de vendre (Cass. 3e civ., 23 nov. 2011, n° 10-25.108). Dans cette affaire, la Cour avait validé une condamnation à hauteur de "100 000 € de dommages-intérêts, soit la moitié du prix de cession envisagé, afin de réparer sa perte de chance".
Face à notre notification formelle, le bailleur de Mohamed a d'abord maintenu son refus verbal. Nous lui avons rappelé par écrit que son opposition était sans valeur et que s'il n'agissait pas en justice dans le délai de deux mois sur le seul motif autorisé par la loi, nous ferions constater l'acquisition de son accord.
Le bailleur n'a pas saisi le tribunal dans le temps imparti. Son accord étant "réputé acquis", la condition suspensive de la promesse de cession a pu être levée. Mohamed a pu finaliser la vente de son droit au bail et partir sereinement à la retraite, son capital sécurisé.
Étape | Action Requise | Fondement Juridique |
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Volonté de Céder (Retraite) | Notification par acte d'huissier au bailleur (prix + activité future) | Art. L. 145-51 C. com. |
Réponse du Bailleur | Doit agir sous 2 mois (racheter ou contester en justice) | Art. L. 145-51 C. com. |
Motif de Contestation | Uniquement l'incompatibilité de la nouvelle activité avec l'immeuble | Jurisprudence constante |
Absence d'action du bailleur | Accord réputé acquis | Art. L. 145-51 C. com. |
Refus Abusif du Bailleur | Engage sa responsabilité (dommages-intérêts) | Cass. 3e civ., 23 nov. 2011 |
Le régime de votre garantie solidaire dépend entièrement de la date de signature ou de renouvellement de votre bail. Cette distinction a des conséquences financières considérables. Assurez-vous de connaître précisément l'étendue et la durée de votre engagement.
➡️ Prendre un rendez-vous pour une consultationNe laissez pas un bailleur mal informé ou de mauvaise foi compromettre le fruit du travail d'une vie. La procédure de l'article L. 145-51 est votre meilleure arme, à condition de l'utiliser avec une rigueur absolue.
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