La destination des lieux est l'un des quatre critères de détermination de la valeur locative listés à l'article L. 145-33 du Code de commerce. Pour fixer le loyer, on ne regarde pas l'usage que le locataire fait effectivement des locaux, mais bien la destination qui a été autorisée par le contrat de bail ou par une décision de justice ultérieure (déspécialisation).
L'article R. 145-5 du Code de commerce le précise : "La destination à prendre en considération [...] est celle effectivement autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal en cas de déspécialisation".
Ainsi, un locataire titulaire d'un bail "tous commerces" mais qui n'exploite qu'une activité de bureau verra son loyer fixé sur la base du potentiel "tous commerces", et non de l'usage restreint qu'il en fait (CA Amiens, 10 avr. 2007).
Le principe du plafonnement, posé par l'article L. 145-34 du Code de commerce, vise à modérer les hausses de loyer. Cependant, ce même article prévoit que le plafonnement est écarté "en cas de modification notable" des éléments de la valeur locative, au premier rang desquels figure la destination.
C'est le principal angle d'attaque pour un bailleur qui souhaite obtenir une forte augmentation de loyer. Si la destination a été modifiée de manière significative au cours du bail expiré, le loyer du bail renouvelé pourra être fixé à la valeur locative, sans limitation.
Pour qu'une modification de destination entraîne le déplafonnement, la jurisprudence impose des conditions cumulatives.
La modification doit avoir été acceptée par le bailleur (via un avenant) ou autorisée par le tribunal. Un locataire qui exerce une activité illicite, non prévue au bail, ne peut pas se voir opposer un déplafonnement pour ce motif. L'infraction du locataire ne peut pas profiter au bailleur sur le terrain du déplafonnement (Cass. 3e civ., 8 janvier 1997, n° 95-12.755). Le déplafonnement ne peut découler que d'un changement de droit, pas d'un simple changement de fait.
Le caractère "notable" de la modification est apprécié souverainement par les juges du fond (Cass. 3e civ., 19 mars 1986). Cependant, leur décision doit être motivée et ils doivent expliquer en quoi la modification est significative (Cass. 3e civ., 1er avril 2019, n° 18-13.668).
Exemple de modification notable : L'extension d'un commerce par l'adjonction d'activités nouvelles, autorisée par le bailleur en cours de bail, est un cas classique de déplafonnement (Cass. 3e civ., 3 juin 1992, n° 90-18.048).
Peu importe l'exercice effectif : Le simple fait d'avoir obtenu l'autorisation d'exercer une nouvelle activité suffit à justifier le déplafonnement, même si le locataire n'a pas encore commencé à l'exercer (Cass. 3e civ., 4 janvier 2012, n° 10-23.532).
La "notabilité" de la modification est une notion juridique complexe. Faites analyser la situation pour savoir si le déplafonnement est réellement justifié.
Même en cas de changement de destination, le locataire peut dans certains cas conserver le bénéfice du plafonnement.
Modification prévue dès l'origine : Si le bail initial prévoyait déjà la possibilité de changer de destination et une adaptation du loyer en conséquence, le plafonnement reste applicable au renouvellement. Le changement n'est pas considéré comme une modification "en cours de bail" (Cass. 3e civ., 7 juillet 2004, n° 02-16.790).
Adjonction d'une activité simplement complémentaire : L'ajout d'une activité qui n'est que le prolongement logique de l'activité principale n'est pas une modification "notable". Par exemple, l'ajout de jeux électroniques dans un snack-bar (Cass. 3e civ., 12 juillet 2000) ou la vente de bijoux fantaisie dans un magasin de prêt-à-porter (CA Paris, 30 sept. 2016) n'ont pas été jugés suffisants pour déplafonner le loyer.
Situation en Cours de Bail | Conséquence sur le Loyer de Renouvellement | Jurisprudence Clé |
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Modification notable et autorisée (ex: avenant pour nouvelle activité) | Déplafonnement (Loyer fixé à la valeur locative) | Cass. 3e civ., 13-03-2002 |
Adjonction d'activité simplement complémentaire | Maintien du plafonnement | CA Paris, 30-09-2016 |
Modification non autorisée par le bailleur (activité illicite) | Maintien du plafonnement | Cass. 3e civ., 08-01-1997 |
Changement de destination prévu dès l'origine | Maintien du plafonnement | Cass. 3e civ., 07-07-2004 |
La rédaction de la clause de destination et les avenants signés en cours de bail sont des pièces maîtresses de la négociation. Une analyse experte de votre dossier peut vous éviter une explosion de votre loyer.