C'est l'exception la plus fréquemment invoquée. Pour être valable, elle doit répondre à des critères précis.
L'article L. 145-17, I-1° ne définit pas le motif grave et légitime. C'est la jurisprudence qui en a dessiné les contours. Il est désormais acquis que "le motif peut reposer sur toute infraction au bail : peu importe qu'elle résulte d'une violation du statut des baux commerciaux ou des stipulations particulières du bail" (Cass. 3e civ., 24 janv. 1996, n° 93-20.470).
Le motif peut même être extracontractuel, à condition qu'il se rattache "par un lien suffisant à l'exécution du bail commercial". Ce fut le cas pour des "violences exercées par le locataire sur le bailleur" (CA Pau, 7 avr. 2008). Ont également été retenus comme motifs graves et légitimes : le non-paiement répété des loyers, ou encore le fait pour un locataire de "produire sciemment, au cours de l'expertise destinée à évaluer l'indemnité, des documents qu'il savait entachés d'une très grave inexactitude".
C'est une condition procédurale essentielle. Si le manquement du locataire peut cesser (comme l'inexécution d'une obligation ou la cessation de l'exploitation), le bailleur ne peut invoquer le motif grave et légitime que si l'infraction "s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure [...] d'avoir à la faire cesser".
Cette mise en demeure doit, à peine de nullité :
Si ce formalisme n'est pas respecté, "le bailleur est privé du droit de se prévaloir du motif du refus invoqué".
Si le motif grave et légitime est retenu par les juges, la sanction est radicale. Le locataire perd la totalité de son droit à indemnité. Les juges ne peuvent pas moduler la sanction : "lorsqu'existe un motif grave et légitime, le locataire n'a droit à aucune indemnité", une condamnation du bailleur à ne verser que la moitié de l'indemnité serait illégale.
L'article L. 145-17, I-2° permet au bailleur de refuser le renouvellement sans indemnité s'il est établi que l'immeuble doit être totalement ou partiellement démoli en raison de son état d'insalubrité ou de danger.
L'insalubrité doit être officiellement "reconnue par une autorité administrative". Concrètement, le préfet doit avoir pris un "arrêté de traitement de l'insalubrité" (art. L. 1331-22 CSP). Cet arrêté administratif "s'impose au juge de l'ordre judiciaire qui n'est pas compétent pour en apprécier le bien-fondé".
Contrairement à l'insalubrité, "le caractère dangereux de l'immeuble peut être invoqué sans que celui-ci soit constaté par une décision administrative". Il est alors apprécié souverainement par les juges du fond.
Le bailleur ne peut se prévaloir de cette exception dans deux cas :
Motif de Refus | Conditions Spécifiques | Fondement Juridique |
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Motif Grave et Légitime | Faute grave du locataire + Mise en demeure préalable (si applicable) par acte d'huissier. | Art. L. 145-17, I-1° |
Immeuble Insalubre | Reconnaissance par arrêté préfectoral. Le bailleur ne doit pas être en faute. | Art. L. 145-17, I-2° |
Immeuble Dangereux | Appréciation souveraine du juge. Le bailleur ne doit pas être en faute. | Art. L. 145-17, I-2° |
Chaque cas est une bataille juridique où le respect du formalisme et la preuve des faits sont décisifs. Ne laissez pas votre droit à indemnisation vous être retiré sans une analyse rigoureuse de la situation.